Foutu sérieux
Tiens, voilà du nouveau chez Prêt-à-écrire
Prise de conscience
Les confinements successifs de 2020 et de 2021 ont impulsé un tournant nécessaire dans ma pratique de l’écriture, et j’ai penché la tête sur les mots qui créent des maux, sur les attentes nourries envers l’écriture et envers les ateliers d’écriture. Me suis aperçue de ceci : j’ai pris Prêt-à-écrire au sérieux, un peu trop au sérieux. Me suis carrément emmêlé les pinceaux.
Une part de moi, je le reconnais, n’assumait pas d’écrire par amour de l’écriture, et elle s’est efforcée de joindre l’utile à l’agréable. Aux débuts de Prêt-à-écrire, je m’étais promis d’écrire un livre. J’étais persuadée qu’un travail doit mener à un résultat : sans cela, il n’a juste aucune raison d’être. J’ai mis en place les ateliers d’écriture qui me permettraient d’écrire un livre, puisqu’ils enseignaient, par étapes, comment écrire un livre. Choses que je savais, ou croyais savoir, du fait de mon métier passé d’éditrice. Et c’est là, que je me suis emmêlé les pinceaux, perdant de vue le fait que j’aime écrire, juste écrire, et m’efforçant de produire, chaque fois que j’écrivais, quelque chose de censé, quelque chose de fini. Bon, ça n’a pas marché ! Le livre tant attendu n’a pas la forme escomptée. Il en a plusieurs, car l’écrire m’amène à explorer d’autres formes d’écriture, d’autres sujets d’écriture, certains inattendus. Aujourd’hui encore, je ne sais pas ce que j’écris. Tout comme je ne sais pas quels ateliers d’écriture je crée avant de les avoir animés, et d’avoir laissé mes prévisions se dissoudre et se transformer à ton contact.
D’ailleurs, est-ce moi toute seule qui écris ou crée ? Ou la vie m’y aide-t-elle, en faisant pousser des oranges là où je croyais avoir semé des pommes ?
En voyant que je n’avais pas écrit de livre même si j’animais des ateliers d’écriture sur le sujet, je me suis dit : « Très bien, je me suis trompée de finalité et Prêt-à-écrire a une autre mission que l’écriture de livres. » La conception initiale du travail, qui doit mener à un résultat, s’est déplacée et, sans que je le dise vraiment haut, j’ai eu à cœur de me concentrer sur un autre aspect de l’écriture que la création de livres : le cheminement intérieur, la connaissance de soi. Qu’est-il arrivé ? L’inévitable foutu sérieux. La connaissance de soi s’est transformée en un résultat à un atteindre ! Quand je dis que je me suis emmêlé les pinceaux à prendre les choses, et Prêt-à-écrire et l’écriture, au sérieux !
Est-ce moi toute seule qui écris ou crée ? Ou la vie m’y aide-t-elle, en faisant pousser des oranges là où je croyais avoir semé des pommes ?
Logique ou vérité
Le raisonnement qui m’a conduite jusqu’ici est très logique et tel est le piège. Il est très facile de confondre logique et vérité. Je m’en souviens maintenant ! À l’adolescence, le théâtre de l’absurde me fascinait. J’avais l’impression d’avoir saisi ce que Ionesco, dans Rhinocéros, dénonçait : la pensée unique. Aujourd’hui, je ne suis plus adolescente et peux voir de quelle façon la pensée gangrène le collectif et l’individuel. Lorsque j’érige une pensée ou un raisonnement, si logique soient-ils, au titre de vérité, alors je me prive et nous prive de toute évolution.
La pensée qui me fait voir Prêt-à-écrire comme un moyen (d’écrire un livre ou de me connaître) m’éloigne de ce que Prêt-à-écrire peut t’apporter ou apporter à d’autres êtres. En fin de compte, peu m’importe si tu y entres pour écrire un livre ou te découvrir. Ce n’est pas de mon contrôle ! Tout ce que je peux, c’est reconnaître que j’aime écrire et aime animer des ateliers d’écriture. Je suis heureuse d’accomplir ce travail sans finalité immédiate. Et peut-être en a-t-il une. Je ne le sais pas encore.
Une seule chose est sûre : je ressens bien plus de joie à écrire ou à animer des ateliers d’écriture sans attentes, plutôt qu’avec attentes ! Telle est ma pratique désormais : repérer les attentes qui se cachent à l’ombre de la pensée, puis les laisser se dissoudre.
Et toi ?
As-tu déjà fait l’expérience de cela, du fait que l’imagination ne t’appartient pas et t’emmène toujours en des lieux inattendus et ô combien nécessaires à ta progression ? S’il te plaît, prends le temps de te poser la question. Ouvre maintenant un carnet et notes-y tes observations.
Je t’invite aussi à inscrire l’une ou l’autre de ces observations en commentaire, car ce mouvement vers l’extérieur aide à relâcher les attentes intérieures superflues.
Photo de couverture : Michael Dziedzic.
Ne pas avoir de sujets, de but est ce qui me permet d’écrire, d’avoir envie d’écrire. C’est me permettre d’ouvrir la porte à l’infini, à ce que mon coeur et mon âme ont besoin d’exprimer, de les laisser s’exprimer et m’amener là où j’ai besoin d’être, simplement.
Merci, Diane, pour ton mot. Je te rejoins tout à fait. Et cette approche ne m’empêche pas d’avoir des projets, mais si je ne m’attache plus à ce qui en résultera, alors quelle liberté d’être et d’écrire !
Pour ma part, je suis en processus de comprendre comment accéder a mon intérieur, de trouver la tranquillité, car par moment j’ai beaucoup d’agitation intérieur.
Et je crois que tes ateliers me force a m’arreter et faire le point…et surement avec la temps j’en tirerai d’autres avantages insoupconnées.
Merci a toi.
maryse Desrosiers, du Québec, a Sherbrooke en Estrie.
Bonjour Maryse ! Et merci pour ton mot. D’un côté, redécouvrir notre intérieur est un processus, comme tu le nommes, puisque ce n’est pas quelque chose que nous avons exercé à l’école ou dans la vie de tous les jours (nous avons parfois même appris l’inverse, appris à nous tourner en priorité vers l’extérieur), et un certain déconditionnement s’opère avec le temps, dans la lenteur, la douceur, le respect de toutes les parts de notre être, y compris de l’agitation. D’un autre côté, la tranquillité a toujours été là, et elle l’est encore, dissimulée par l’agitation, mais elle là, bien là. Je suis certaine que tu y goûteras de plus en plus durablement. De tout cœur avec toi, Maryse !